Bénéfices privés, déficits publics

Publié le par Guy Bourguignon

Souvenir: en 2004, Bartabas (ZIngaro) s'en était violemment pris aux intermittents du spectacle qui perturbaient le  Festival d'Avignon pour défendre leurs droits (à une vie décente et des conditions de travail normales, tout simplement...).

Des propos qui avaient fait jouir le gouvernement (UMP, déjà) et ceux qui dénoncent à tour de bras les "profiteurs du système" - en témoigne par exemple ce blog:



La Lime, de Franck Boizard



[...] Mais enfin ce qui choquait, c'était le rappel qu'un artiste doit avant tout vivre de son travail et non de la chasse aux subventions. Les subventions publiques devraient déranger les vrais artistes : où est l'honneur de faire payer à la collectivité des oeuvres que personne ne veut payer de sa poche ? Si une oeuvre vaut quelque chose, elle trouvera bien un mécène pour l'apprécier. Le recours a un énarque au fond d'un ministère poussiéreux est un terrible aveu de mauvais goût. [...]


Et voila que Bartabas pleure et gémit et joue les gros bras casseurs... parce que l'Etat lui refuse "sa" subvention, parce que la collectivité refuse de payer... Bartabas qui s'enrichissait déjà sur le dos des intermittents, justement, Bartabas le fameux pillait donc aussi les caisses cet Etat qu'il semble honnir...


Le Monde, 7 janvier 2008
Bartabas persiste et signe. Dans une lettre ouverte adressée à Christine Albanel, la ministre de la culture, et dans un entretien au Monde, le cavalier fameux, en France comme à l'étranger, avec son théâtre équestre Zingaro, ne regrette pas son "coup de sang" : le 21 décembre 2007, il a violemment dévasté une partie des locaux de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de l'Ile-de-France, rue de Charonne à Paris. Alors qu'on venait de lui annoncer une baisse de ses subventions.

"On ne convoque pas un artiste trois heures avant une représentation pour lui annoncer une telle nouvelle, écrit Bartabas à la ministre de la culture, Christine Albanel. Et lorsque celui-ci donne à son désespoir l'expression de la colère, on ne demande pas, deux heures après les faits, sa mise en garde à vue, l'empêchant de se rendre à son théâtre pour la représentation du soir. C'est faire preuve de mépris, ou au mieux d'incompétence. Et sur ce point, madame la ministre, j'aimerais entendre vos excuses." Cette missive n'est guère appréciée au ministère de la culture, qui a demandé à la DRAC de porter plainte.

Le directeur de la DRAC, Jean-François de Canchy, se souviendra de son 21 décembre. Il avait prévu, de longue date, de rencontrer Bartabas, le responsable de l'Académie du spectacle équestre, qui se trouve dans les Grandes Ecuries de Versailles (Yvelines) - et non ce dernier en tant qu'animateur de Zingaro, logé à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Au menu, le déficit de l'Académie, qui forme des cavaliers, et le gel de 4 % des subventions 2008 qui touche l'ensemble du spectacle vivant soutenu par l'Etat.

RADIATEURS ARRACHÉS

Bartabas fait savoir qu'il ne viendra pas à la réunion. Son administratrice, Françoise Painblanc, doit le représenter. Elle se présente à la DRAC avec le directeur général de l'Académie, Jean Parthenay. Et Bartabas en personne. "Je l'invite alors à faire le bilan du dernier trimestre 2007, explique M. de Canchy. Il me demande à plusieurs reprises combien la DRAC va lui donner, interdisant à Françoise Painblanc d'intervenir. Quand j'évoque le gel des 4 %, il brandit une chaise en fer qui est partie en direction de l'administratrice, puis une deuxième, qui me vise et fracasse une armoire de verre. Une troisième pulvérise mon bureau."

Françoise Painblanc fait alors sortir Bartabas. Dans le couloir, le cavalier concasse les photocopieuses et arrache les radiateurs. Puis il téléphone dans la rue de Charonne, en face de la DRAC, où la police le cueille à la demande du ministère de la culture. Bartabas passe la nuit au commissariat du XIe arrondissement de Paris. "On n'a pas eu le temps de discuter du problème de fond", regrette Jean-François de Canchy : la situation de l'Académie équestre. En 2003, au moment de sa création, Bartabas estime que l'école peut s'autofinancer (visiteurs payants, diffusion de spectacles, mécénat). Mais si le nombre des entrées est stable (60 000), la diffusion et le mécénat sont en dents de scie. "Par rapport aux recettes qui fluctuent, constate Jean Parthenay, le directeur général de l'Académie, il nous faut des subventions fixes."

Après avoir comblé le trou de 2006, l'Etat élabore, en juillet 2007, un plan de sauvetage sur trois ans. "Pour fonctionner correctement, estime Jean Parthenay, nous devons tourner avec un budget de 1,6 million d'euros par an. Il fallait donc trouver 450 000 euros de subventions." Le plan imaginé par l'Etat en prévoit 350 000. Mais le compte n'y est pas. A sa subvention de base de 110 000 euros, l'Etat a bien trouvé 100 000 euros supplémentaires. Le département des Yvelines a lâché 60 000 euros. La ville de Versailles a mis un coup de pouce. En revanche, la région Ile-de-France a refusé de donner les 75 000 euros prévus dans le plan. La région explique que si depuis trois ans, elle a signé 174 conventions pour soutenir les compagnies franciliennes, pour près de 10 millions d'euros, l'Académie équestre n'en fait pas partie. "Il est donc exclu" qu'elle participe au sauvetage "a fortiori quand cette participation et son montant sont décidés en son absence".

Dans ce contexte difficile, apprenant, de surcroît, que la subvention de base de l'Etat était gelée de 4 %, Bartabas, dont le "génie" mais aussi le "caractère difficile" sont reconnus, "pète les plombs". Il ne comprend pas, aujourd'hui, qu'on "chipote sur 100 000 ou 200 000 euros alors que l'Académie est unique".

Unique mais atypique. Ce centre équestre forme une douzaine de jeunes cavaliers par an, français et étrangers (une cinquantaine depuis 2003), selon des critères que l'administration a du mal à percevoir. Des cavaliers dont elle ne sait pas bien où ils se retrouvent une fois formés, entre Zingaro et ailleurs. "Il s'agit plus d'un laboratoire que d'une école, reconnaît Jean Parthenay. C'est ici que se transmettent les règles de l'art du spectacle équestre misent au point par Bartabas, aujourd'hui exporté dans le monde entier."

Emmanuel de Roux
Article paru dans l'édition du 08.01.08.


Une "affaire" emblématique :
  • les bénéfices sont privatisés, les pertes étatisées - c'est à dire payées par le contribuable ! du scandale du Crédit Lyonnais jusqu'au scandale Airbus-EADS...
  • chacun estime mériter un soutien public, mais les autres sont des profiteurs...
  • chacun veut gagner plus à condition que les autres gagnent moins: s'étend ainsi le mépris des luttes collectives, solidaires, syndicales - des "combats d'arrière-garde" pour tous ces "riscophiles"...

...ainsi progresse, inexorablement, le merveilleux libéralisme... celui du "mécène" (comme dit La Lime à ongles) qui choisit l'art qui a le droit de vivre, le livre que vous avez le droit de lire, le journal (Pinault, Lagardère ou Dassault sont de grands mécènes de la presse...) qui sera publié et les informations auxquelles vous pouvez accéder...


Lire un point de vue roboratif:
Monologue sous forme de lettre, par 
Matthias Langhoff (Positions n°3, revue en ligne publiée par Actes Sud)

Publié dans Exfolie

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