Quand les criminels demandent réparation... à leurs victimes !

ROME - La demande de 260 millions de dédommagements de la famille royale italienne des Savoie a suscité un tollé mercredi en Italie de la part d'historiens, d'associations de résistants, de la communauté juive ou d'hommes politiques, qui l'ont jugée "indécente".
"Nous sommes sidérés par l'absurdité de cette demande. La famille royale a bénéficié économiquement du régime fasciste. Rappelons-nous du mal qu'a fait Victor-Emmanuel III en signant des lois liberticides contre les opposants au régime, leur infligeant des dommages moraux et économiques. Il y a eu aussi les lois raciales (contre les Juifs, ndlr). Sans la signature du roi, ces lois n'auraient pas pu exister", a déclaré à l'AFP Massimo Rendina, président de la principale association de résistants, Anpi.
Les biens qui ont été confisqués aux Savoie et dont ils réclament la restitution "n'ont pas été volés mais saisis en vertu d'un texte voté par l'Etat démocratique italien", a-t-il ajouté, qualifiant la requête d'"indécente".

Le porte-parole de la communauté juive de Rome Ricardo Pacifisti a également exprimé son indignation. "La décence imposerait que la famille royale demeure silencieuse en signe de respect de tous les Italiens, y compris des Juifs", a-t-il déclaré à l'AFP. "Si quelqu'un doit avoir droit à des dommages-intérêts, ce sont les anciens sujets de la maison royale et parmi eux les citoyens juifs qui avec la signature du roi sur les lois raciales ont eu leur vie bouleversée", a-t-il ajouté, évoquant notamment le sort des professeurs et des étudiants chassés de l'Université.

"C'est une boutade, la requête est a retourner à son envoyeur", a réagi Pino Sgobio, du Parti communiste italien, ajoutant que c'est la famille royale qui devrait rembourser l'Italie "pour les dommages matériels et moraux infligés au peuple italien.

"Le roi d'Italie (Victor-Emmanuel III) a quitté le pouvoir le 8 septembre 1943 pour fuir vers le sud abandonnant les Romains aux mains des Allemands. Quand on s'est comporté comme cela, on ne demande pas d'argent. C'est assez indigne. C'est de la cuisine pas très sympathique", a également critiqué l'historien français Pierre Milza, spécialiste de l'Italie.

Victor-Emmanuel de Savoie, 70 ans, petit-fils de Victor-Emmanuel III, dernier roi d'Italie de 1900 à 1946, réclame 170 millions d'euros et son fils Emmanuel Philibert, 35 ans, 90 millions d'euros, à titre de dédommagement moral pour l'exil subi pendant 56 ans, dans deux lettres aux président de la République Giorgio Napolitano et au président du Conseil Romano Prodi.

La famille royale, qui réclame aussi la restitution de ses biens, confisqués par l'Etat après son exil forcé en 1946, s'est heurtée à une fin de non-recevoir du gouvernement italien.

(©AFP / 21 novembre 2007 16h55)