Mendiant, c'est trop cool

Publié le par Guy Bourguignon

Nous sommes de plus en plus riches et de plus en plus inhumains.
Genève veut rendre la vie des mendiants «inconfortable»

Le canton et la Ville de Genève unissent leurs forces face au problème croissant de la mendicité. Ils ont présenté un plan de bataille qui ne prévoit pas de réprimer l'acte de tendre la main, mais qui complique et rend inconfortable la tâche des mendiants.

Extrait d'une dépêche ATS du 13 novembre 2007 reprise (notamment) par la Tribune de Genève


Parce qu'il est  "confortable" de travailler des heures dans le froid, dans des conditions sinon épouvantables du moins éprouvantes; parce qu'il est "confortable" de dormir dehors, sous les ponts, dans les intempéries, parce qu'il est "confortable" de mendier sous le regard apitoyé, méprisant ou agressif des clients - les autorités genevoises veulent rendre encore plus  "inconfortable" la vie misérable  des mendiants. Toute l'indifférence, tout le mépris des riches est là. Rendre "inconfortable" la vie de gens qui tentent tant bien que mal de survivre - sans rien faire de mal, sans agressivité. Allez mourir, mais plus loin, loin de nos yeux.

Dailleurs ces mendiants - des Roms - sont à peine humains. On vient de le voir en Italie. On peut les lyncher et les renvoyer chez eux - puisque leur propre gouvernement veut acheter un morceau de désert quelque part au Sahara, rien que pour eux.
Et puis "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde". Restons entre nous. Entre riches. Avec cette putain d'Europe, on doit déjà leur filer plein de fric: ils viennent en plus ôter l'argent de la sébille de nos mendiants - ah ! non : la droite veut carrément interdire la mendicité. Comme ça les flics pourront de nouveau piquer l'argent des mendiants et les tabasser un petit coup, juste pour rendre Genève moins "attractive", comme dit notre très humaniste conseiller administratif Pierre Maudet...

Je trouve quand même étonnant que les pauvres ne se révoltent pas - pas encore ? Pourquoi brûler son quartier de banlieue, quand il serait beaucoup plus intéressant et efficace d'attaquer Neuilly - quitte à être lourdement condamné, autant que ce soit utile, autant prendre l'argent où il est, autant récupérer le fric chez les riches. Ainsi, plutôt que de tenter de gagner honnêtement sa vie en venant mendier en Suisse, quand les pauvres de Roumanie et du monde entier, honteusement exploité par une mondialisation conçue au bénéfice des plus riches, se décideront-ils à venir en masse2 se servir sur place ? Tout cela ne serait que justice.

Refuser les mendiants -- signe supplémentaire de la complète déshumanisation de nos sociétés. Au nom de quoi ? Et puisque nous sommes prêts à tuer les autres pour garder notre petit confort, faut-il s'étonner si d'autres veulent nous tuer sous quelque prétexte que ce soit ?


1 - je n'ai pas mendié mais vendu - dans le froid, etc. - le journal de rue genevois La Feuille de Trèfle (pour beaucoup, en fait, c'est la même chose). Parmi mes observations, celle-ci: la clientèle - autrement dit les clients du supermarché ou les passants, là où se place le vendeur de rue ou le mendiant - se répartit selon une courbe en cloche... une minorité de gens qui achètent ou donnent; une très grosse majorité d'indifférents; un minorité de gens hostiles ou agressifs...
2 - dans un roman affreusement réactionnaire et colonialiste, Le Camp des Saints, Jean Raspail a décrit cette "invasion" venue d'Asie...

A lire : Aminata Sow Fall, La grève des bâttu (Le Serpent à plumes): ou quand les autorités du Sénégal décident de rendre "inconfortable" la vie des mendiants... (roman)

Publié dans Exfolie

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